J7 - hors-piste

Publié le par Virgsim


Arêches.

La nuit a été assez douloureuse. La bande de contention que le médecin m’a conseillée de garder même la nuit me fait gonfler les doigts de pied et les rend bouillants. Je suis obligée de me lever sans arrêt pour marcher dans la chambre et activer la circulation du sang. C’est pénible de compter les explosions d’avalanches plutôt que les moutons. Vers 2h00 du matin, je finis par enlever la bande. Je n’arrête pas de réveiller Simon sans le vouloir; il a son fameux cours demain matin, et ce n’est pas le moment de le fatiguer pour qu’il se blesse à son tour.

Arêches.

Dés le petit déjeuner, Laurence BLANC apporte le téléphone à Wilfred. C’est son papa qui lui annonce son retour vers midi, au plus tard dans l’après-midi. Wilfred est si concentré sur le combiné qu’il n’entend que la moitié des mots. Il dirige sa montre vers moi et me demande confirmation :

« Il est 8h35 c’est ça ? », dit Wilfred.


Wilfred.

Je confirme. Il réfléchit intensément devant le petit cercle de plastique coloré qui orne son poigné, les deux autres doigts sur le front. Rodin restera décidément intemporel et sans âge.

Comme il souhaite éviter la cohue des deux derniers bus, Simon part pour son cours. Histoire de changer les idées de Wilfred, je m’essaie à quelques alternatives.

« On va aller préparer tes affaires de ski pour ton cours de cet après-midi ! », je lui dis.

« Non, c’est papa qui va le faire quand il va rentrer », me répond Wilfred du tac au tac.

« Mais si on les prépare maintenant, quand papa rentrera ce sera déjà prêt et tu pourras profiter de rester un peu avec…

« …non c’est lui qui sait ». Dit Wilfred.

« Tu veux aller dans la salle de jeux avec les autres enfants? Je reste avec toi.»

« Non, je préfère jouer avec mon cousin Etienne ». Mais son cousin Etienne était là l’année dernière et pas cette année. Comment faire alors que notre époque n’a pas encore découvert les lois de la téléportation ?

« Tu as envie de quoi là maintenant ?», je finis par lui demander.

« Je veux écrire ma bande-dessinée ».

Nous reprenons le chemin de nos chambres.

« Tu écris une bd ? C’est quoi l’histoire ? »

« Alors, le tome 1, c’est l’histoire de trois bandits et de deux squelettes. Devine qui c’est les plus forts ?

« Les bandits ? », je m’aventure.

« Bah non hé, les deux squelettes, parce que un bandit, ça marche comme ça, tandis qu’un squelette, ça marche comme ça tu vois ! Ca fait beaucoup plus peur ! », m’explique Wilfred en mimant très professionnellement chacun de ses éclaircissements.


La BD de Wilfred.

Une fois dans sa chambre, il me montre en effet le début de sa bd. Je suis sidérée. C’est super bien léchée, précis, très bien mis en couleurs. Même les cases ont leur format et les bulles sont pleines de dialogues explicites : « Regardez capitaine ! Un tracane ! », « Par là ! ».

Pendant que les dames font le ménage dans nos chambres et discutent avec moi des blessés traditionnels de chaque mercredi, du mauvais temps de la semaine, du réchauffement de la planète qui arrive jusqu’Arêches cette année, Wilfred s’active sur les gros plan de tentacules de la pieuvre Tracane du tome 3 de sa bd.

Après une sieste, la fin de Tintin au Tibet qui a bien failli passer par Arêches celui-ci aussi cette année, midi sonne à la cloche de la petite église du village. Wilfred abandonne toute créativité pour se concentrer de nouveau sur le petit écran de son poignet.

« Regarde, il est midi, d’habitude, on descend à midi avec papa. »

« Ok, on descend alors. Faut bien manger pour être en forme au ski. »

« Il va être là mon père ? »

« Je ne sais pas, mais s’il n’est pas là, quand tu reviendras du cours de ski cet après-midi, c’est sûr qu’il sera là à t’attendre ».

« D’accord ».


Laurence BLANC, de l'hôtel Christiania d'Arêches.

Madame Blanc nous accueille en confirmant mes dires mot pour mot. Son père vient d’appeler. Pour rentrer à Arêches, il attend désespérément une ambulance qui ne vient pas. Une famille avec des enfants se présente à Wilfred et lui propose de l’emmener au cours de ski. Le petit bonhomme ne se fait pas prier.


Voiture sous la neige.

Sa viande à peine terminée, on monte à sa chambre, et il enfile solennellement, avec une précision de cosmonaute, sa combinaison, ses gants, son casque et son brassard. J’ai bien du mal à le suivre dans les escaliers à cause de ma jambe. Aussi monte –t’il et redescend-il plusieurs fois de suite pour m’accompagner. Chaque fois, j’ai droit à un épisode d’histoire avec des extra-terrestres, des monstres, ou bien les deux squelettes plus forts que les bandits.

13h30, nous sommes dans la salle de jeux. Les autres enfants commencent à peine à se préparer alors que Wilfred s’assied sur un coin de chaise, casque sur la tête, prêt à faire feu. Une maman lui demande de se déshabiller pour qu’il n’attrape pas froid. Hors de question pour lui. Il détourne son regard et fixe la piste enneigée à travers la fenêtre.


Chalet typique du beaufortain.

Dans la salle à skis, rebelote. En posant le pied par terre, il mouille sa chaussette. Toutes les mamans de la salle veulent lui changer sa chaussette pour qu’il n’attrape pas froid mais Wilfred est ferme. Sa chaussette, c’est sa chaussette et il n’en changera pas. N’étant pas encore maman moi-même, je n’ose pas me prononcer. Est-ce que vraiment une chaussette mouillée va l’immobiliser avec 40 de fièvre tout le reste de la semaine ? Peut-être, je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que toute cette histoire est déjà bien lourde à porter pour un petit bonhomme de 8 ans. Là, on sent vraiment que c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. La maman, très compréhensive, garde une paire de chaussettes sèches dans sa poche et se propose d’aller voir le prof de skis de Wilfred pour lui expliquer le cas « chaussette mouillée et rhume à redouter ». Wilfred est déjà loin devant avec les autres gamins. Tout ensemble, ils rient et ils courent, tel Goldorak, avec des bottes de skis.

Les pistes du Planay.

Je m’octroie une nouvelle sieste. Cette petite blessure me fatigue pas mal finalement. Simon rentre des pistes dans l’après-midi. A cause de la pluie mais aussi du fameux cours niveau 3, il transgoutte à grosses spires, comme il dit souvent. Il me raconte son nouveau prof, son nouveau cours, les techniques qu’il a apprises, les exercices qu’il a continué à effectuer seul après le cours sur les conseils de son prof, sa tartine aux olives et au thon au bar de la Terrasse avec la serveuse qui lui a demandé où j’étais, le pin’s de l’ESF que Charles lui a donné pour moi mais qu’il s’est aussitôt empressé de perdre en sortant son bonnet de sa poche mais qu’il promet de retourner chercher dés le lendemain, Sylvie tétanisée sur ses deux skis qu’il est allé rassurer de ma part à la première heure de cours. Il est dans une forme olympique mon Simon.

« La montagne, ça me gagne ! », me dit-il en rigolant.


La Terrasse face aux pistes.

Pour commencer, Florence l’a présenté au prof du Niveau 3. C’est Steve, jeune mec. Steve lui demande son « historique ski ». Simon a skié avec son père pendant 8 ans mais n’a jamais vraiment pris de cours. Pas simple de s’auto-juger dans ces cas là. Puis Steve les emmène sur une piste pour qu’il puisse juger de son niveau et voir si Simon doit rattraper beaucoup de technique par rapport aux autres. De nouveau télésiège tout en haut des pistes. De nouveaux abandon du soleil pour tempête de neige qui fait s’arrêter les télésièges une bonne dizaine de fois. A la différence du niveau 2, avec le niveau 3, ils restent quand même en haut des pistes. Chouette ! Se dit Simon. Il va enfin en baver des ronds de chapeau !

Avant de commencer la descente, Steve demande à Simon ce qu’ils ont appris comme techniques. Puis il lui dit de rester juste derrière lui au moins pendant deux pistes, afin de pouvoir juger de son niveau et le corriger. Pour l’essentiel, il lui dit qu’il dérape un peu trop dans les virages.


Le Planay.

Steve lui explique que depuis le début de la semaine, ses élèves ont surtout appris à ne pas trop déraper dans les virages afin de ne pas perdre de la vitesse. Lors des premières descentes, Simon ne comprend pas. Il voit Steve descendre devant lui en effectuant deux fois plus de virages et pourtant il va deux fois plus vite. Avec son accent suisse à couper au couteau, Steve est très drôle lui aussi. Et super sympa. Pas du tout frime.

Une des élèves ne se sent pas très en forme aujourd’hui. Elle a les jambes qui tremblent. Au coin d’une montagne, Steve sort une petite flasque  de son blouson.

« Avec ça, tu va voir, ça va descendre tout seul ! ».

Le génépi fait maison est vachement bon. Tout le monde se réchauffe et « prend de l’aisance ».


Simon dans son cours de ski.

Les élèves du groupe sont vachement sympas. La moyenne d’âge est de 40/50 ans sauf une ado de 14 ans, qui n’a pas droit à la flasque. Tout le monde fait ce niveau tranquillement, dans le seul but de progresser un peu. Une dame d’une cinquantaine d’année, toute petite et toute maigre, l’air pas du tout sportif, descend les pistes à une vitesse dingue avec une super bonne technique, ce qui impressionne beaucoup les autres.

Le Planay.

L’après-midi, petite balade dans Arêches, achat de fromages et de saucissons savoyards pour le retour. Les commerçants sont adorables, ils prennent le temps de discuter. Ici, les gens ne sont pas exubérants, mais tellement simples dans le bon sens du terme, tellement gentils. Et le village est tellement authentique. Aucun promoteur ne semble véritablement avoir repéré Arêches. Pas encore. Ou pas vraiment. Quelle chance. Et si on s’achetait un tout petit chalet à Arêches ? On récupère alors la presse immobilière dans les agences et l’on s’étonne des prix qui frôlent ceux de Paris… incroyable. L’idée passe aussi vite qu’elle est venue.


Simon et la jambe de Virginie sous bande de contension.

Le soir, en descendant pour dîner, nous saluons le papa de Wilfred. Il a le bras enserré dans une atèle. Wilfred continue de jouer  l’air de rien. Tout semble être rentré dans l’ordre.

Le soir, dans la chambre d’à côté, nous entendons à l’intonation de sa voix Wilfred raconter une multitude d’histoires de monstres à son père. Sans doute explique-t’il sa BD à son père, ses histoires de fantômes et de pirates.


Arêches.

 

Publié dans skitour2007

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